Madame le Maire.

Je vois que mon collègue Julien Bainvel se voit déjà en haut de l’affiche. Je trouve cela assez touchant. Moi, j’ai toujours eu de l’affection pour les utopistes. Je crains tout de même qu’avec son obsession pour l’allongement du temps de travail, il ait quelques discussions assez sévères, y compris avec les policiers municipaux qu’il prétend embaucher. Nous tenons ce débat dans un contexte qui est très particulier, avec un grand mouvement de colère qui traverse le pays. Il porte sur le pouvoir d’achat, sur les revenus du travail, sur la répartition des richesses, sur l’impôt. Et, nous le disons, qu’ils portent des gilets jaunes, des robes noires ou des blouses blanches, nous comprenons leur colère. Cette colère est la nôtre, elle est juste, dans une France à neuf millions de pauvres qui compte 260 000 millionnaires de plus depuis l’élection du président Macron. Il y en aura certainement d’autres, puisque les cadeaux fiscaux continuent de pleuvoir.

Et puisque je suis ici parmi vous plutôt qu’à sillonner les mobilisations sociales dans cette journée syndicale, je souhaite pleine réussite à l’expression des salariés qui manifestent aujourd’hui, puisque le président Macron lâche d’une main ce qu’il reprend de l’autre. Il n’annonce rien pour les collectivités territoriales, qui, non contentes d’être mises sous tutelle, subissent, comme vous le savez, une saignée de 13 Md€ supplémentaires sur le quinquennat.

Et je confirme à Julien Bainvel qu’il arrive à Pascal Bolo d’avoir raison, notamment quand il dénonce une politique d’État qui asphyxie les collectivités depuis maintenant plusieurs quinquennats. Et cette majorité l’a toujours exprimé de manière extrêmement claire.

Or ce DOB, nous le tenons dans ce contexte. C’est le premier exercice d’arbitrage d’un budget dans le cadre de la contractualisation, cela a déjà été rappelé, de cette contrainte de 1,5 % d’augmentation de nos dépenses de fonctionnement à Nantes. Si nous devons respecter cet objectif imposé, ce ne serait qu’après correction d’un certain nombre de dépenses affectées à la gestion de ce que l’on appelle la crise migratoire ou en tout cas, de la crise de l’accueil des réfugiés, du dédoublement des classes, du périscolaire, par exemple. À ce jour, il n’y a aucune garantie que ces financements réalisés en lieu et place de l’État soient pris en compte dans notre calcul. Nous avons même eu, cette semaine, l’indication inverse, avec cette annonce scandaleuse d’Édouard Philippe de ne pas compenser les dépenses que nous avions engagées pour pallier une politique d’accueil que je qualifie pour ma part de cynique et d’irresponsable. Pourquoi est-ce que je me permets ces mots assez forts ?

Je veux simplement rappeler que cette dépense de 4 millions et quelques, c’est à peine moins d’un millième de ce que les plus riches de ce pays ont reçu en cadeau fiscal avec la suppression de l’ISF. Cela peut vous faire bondir… Les principaux patrimoines de ce pays, ceux qui sont assujettis à l’ISF, ont un patrimoine de 1 028 Md€. C’est la moitié du PIB du pays. Nous pensons que l’urgence n’est pas de leur faire une ristourne, mais bien d’accueillir humainement, d’accueillir dignement et, puisque le sondage du jour, qui est paru dans l’Humanité, nous dit que 70 % des Français sont pour le rétablissement de l’ISF, je crois qu’il faut l’entendre. Le comble, dans cette situation, c’est que même lorsque nous disposons de finances pour répondre aux besoins des populations, avec par exemple le CCAS, nous ne pouvons les engager, au risque de sortir du cadre et d’être pénalisés. Malgré les restrictions budgétaires, nos recettes de fonctionnement progressent de 2 % grâce au dynamisme du territoire, et de ce point de vue, je partage l’approche très offensive, dans les discussions, que nous propose Pascal Bolo dans la négociation, malheureuse, mais qui existe, que nous engageons avec l’État.

Troisième point, les dépenses de personnel représentent plus de 50 % des dépenses de fonctionnement. Difficile, en tout cas, de maintenir la présence et la qualité du service public quand les effectifs stagnent alors qu’il y a croissance de la population et donc, des besoins. Voilà le nouvel effet de ciseaux auquel nous sommes confrontés. Nous accueillons de plus en plus de population quand nos dépenses de fonctionnement sont de plus en plus contraintes. 

Nous saluons donc l’effort que nous faisons sur l’investissement, 53 M€ en 2018, et qui va encore progresser en 2019, parce qu’il correspond à la nécessité de répondre aux besoins croissants qui se font jour à Nantes. Nous le constatons par exemple dans le domaine du logement, des transports urbains, de la santé. Nous avons un endettement très faible, cela a été remarqué, y compris par Julien Bainvel, c’est donc que cela doit être vrai… C’est un levier, mais cela, c’est mon propos, pour amplifier les investissements. Cette situation risque à nouveau de se tendre avec la suppression de la taxe d’habitation, qui nous fera perdre des recettes dynamiques et donc, perdre la maîtrise de nos recettes, puisqu’elles seront remplacées par des dotations. Et nous voyons bien la difficulté de la situation dans la discussion avec l’État qui est la nôtre actuellement.

En conclusion, lors de son étrange prestation télévisuelle, le Président de la République prétendait refonder la relation entre la République et ses maires. Nous lui disons que les élus locaux ne veulent plus seulement être écoutés : ils veulent désormais être entendus. Notre message est assez simple : arrêtez de faire la poche aux salariés, arrêtez de tordre le bras aux collectivités. Les moyens existent pour financer l’action locale et de proximité. Cette action locale, ces institutions de proximité que sont les mairies sont constitutives du pacte social et républicain. C’est, je crois, ce qu’ont voulu dire ensemble les élus de gauche de cette assemblée dans un texte commun paru cette semaine.

Je vous remercie de votre attention.